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"Montre-moi tes outils, je te dirai qui tu es."

mardi 22 mars 2011

Le sapeur-pompier est-il fait pour les engins "modernes" ?

"L’exercice du métier de sapeur-pompier nécessite des qualités physiques et morales à toute épreuve ; mais le courage et la bonne volonté ne suffisent plus à l’époque actuelle.
Les progrès scientifiques ont permis la mise au point de matériels de lutte de plus en plus puissants, mais aussi, hélas ! de complexité croissante, si bien que leur emploi sort désormais des pratiques routinières.
L’objectif du sapeur-pompier est d’arriver dans le délai le plus bref possible sur les lieux d’intervention et d’agir immédiatement avec toute l’efficacité désirable.
Ce but ne saurait être atteint si les matériels ne sont pas maintenus en parfait état et si le personnel ne possède pas toutes les aptitudes requises pour les utiliser au mieux de leurs possibilités.
(...)
Seules l’exécution scrupuleuse de toutes les opérations d’entretiens et la formation convenable du personnel permettent, si l’emploi est rationnel, de prévenir la plupart des pannes ou incidents de fonctionnement, de prolonger la durée de matériel en réduisant l’usure ou les détériorations et d’obtenir un service régulier.
L’importance de ces facteurs exige que toutes les activités nécessaires en la matière soient réglées avec méthode aux divers échelons du commandement, consciencieusement exécutées par le personnel de conduite ou de dépannage et surveillées avec le plus grand soin par les officiers et les gradés responsables."

Que de clairvoyance, de modernité, d'à-propos, de bon sens dans ce texte paru... en 1958 !

Photo de l'auteur

Il s'agit de l'avant-propos de l'excellent "Guide du sapeur-pompier conducteur mécanicien", écrit par le Capitaine M. Magre et le Lieutenant J. Hugon, du Régiment (et non de la Brigade) des sapeurs-pompiers de Paris (Editions France Sélection). Hormis quelques "retards" technologiques (certains schémas sont à consulter surtout pour leur caractère historique), cet ouvrage reste une fabuleuse référence que plus d'un conducteur, d'un chef de centre, d'un garde-remise, voire d'un chef de groupe, de colonne et de site devraient lire ou relire.
En parcourant cette petite "bible", chacun mesurera mieux l'importance que le matériel a toujours revêtu dans notre pratique professionnelle.
L'enfer est pavé de bonnes intentions : plutôt que d'appeler de leurs voeux avec nostalgie le retour des pompes sans régulation, des KB6 et autres systèmes d'injection en ligne de type Venturi au lieu des systèmes d'injection électronique, certains devraient se féliciter de ce que la technologie "moderne" a apporté de sécurité, de confort et de qualité de service offert à la population à nos services d'incendie.
Ne refusons pas le progrès, mais adaptons-nous à ses contraintes pour mieux profiter de ses bienfaits.
Nos aînés - et ce texte quasi-prophétique de 1958 le prouve - ont eux-aussi été confrontés à ces choix.
Quelles solutions ont-ils apporté à ces questions ? La formation (comme toujours) et l'entraînement, le respect des procédures, la rigueur, la vérification du matériel et l'implication de l'encadrement.
Photo de l'auteur

L'expression "d'emploi rationnel" prend tout son sens. C'est le coeur de notre métier.
Il est certain que des efforts doivent être consentis dans le domaine de l'ergonomie, de la qualité des interfaces hommes-machines, de la fiabilité, de la prévention des pannes et de l'automatisation de certaines tâches complexes (réglages, purges, dosage, etc.). Il est également certain que la "technologie pour la technologie" a peu d'intérêt (chaque innovation doit être  évaluée finement selon le triptyque bénéfices-risques-coûts), mais avouons que les apports de la technique sont plus sûrement des opportunités que des menaces.
Cela n'est pas contradictoire avec nos sacro-saints impératifs de gestion ("prévenir la plupart des pannes ou incidents de fonctionnement", "prolonger la durée de matériel en réduisant l’usure ou les détériorations" et "obtenir un service régulier").
Qui rendra sa DMRS pour reprendre une 40-14 ? Qui abandonnera son ARICO contre un mouchoir humide ?

vendredi 4 mars 2011

Un vrai choix de GOC !

Le 30 décembre dernier, les collègues belges ont été appelés pour un incendie à l'abbaye Saint Rémy-de-Rochefort, sur la commune de Rochefort, en Wallonie.
Quatre corps de sapeurs-pompiers, 70 hommes, 4 échelles et 8 engins-pompes ont été engagés sur cette opération d'envergure (source rtlinfo.be).
Photo Reuters

Même si l'on peut se réjouir qu'aucune victime ne soit à déplorer, mettons-nous une seconde dans la peau du collègue prenant le commandement des opérations de secours.
En effet, lorsque l'on connait la qualité de la bière trappiste produite par les moines de l'abbaye de Rochefort (croyez-moi), qu'auriez-vous fait en entendant le bourgmestre (le maire), votre Directeur des Opérations de Secours (D.O.S.), dire : ""Il faut protéger l’endroit où se trouvent les cuves de garde de la bière, qui est un endroit vital de l’Abbaye et de la brasserie. De l’autre côté se trouve la bibliothèque, où sont entreposés de remarquables ouvrages qui sont absolument exceptionnels" (citation exacte prononcée en direct à la télévision) ?

Photo "academic.ru "
Quelle aurait été votre priorité ? Votre "objectif" (dans votre SAOIEC) ?
La bière ou les livres ?
Un vrai cas d'école en GOC ! (A enseigner à l'ENSOSP...)

jeudi 3 mars 2011

Savez-vous d'où vient le nom "pissette" ?

Photo de l'auteur
Tous les spécialistes ne sont pas forcément d'accord sur ce sujet (ô combien fondamental !) : quelle est l'origine du mot "pissette" ? Vous savez, la "pissette", la lance du dévidoir tournant du Fourgon Pompe-Tonne normalisé.
Pour certains, on pourrait évoquer une analogie avec le récipient de laboratoire, de forme cylindrique (souvent en matière plastique), muni d'un tube plongeant et d'un tube verseur recourbé. Ce récipient, prévu pour contenir des solvants divers (éthanol, méthanol, eau déminéralisée, etc.) s'appelle une "pissette" (source Wikipedia).
Pour d'autres, il s'agirait d'un terme ironique qui comparerait le jet de la lance (sa forme, son débit... et son efficacité) avec celui que produirait quelqu'un qui serait en train de... pisser.


Pour moi (et selon les informations fournies par un des fabricants historiques de matériel incendie... et donc de lances), l'explication serait plus savoureuse.
En premier lieu, il faut savoir que cette lance dispose d'un diamètre d'entrée de 20 mm (raccord GFR femelle) et d'un ajutage de 7 mm (exceptionnellement de 8 mm). Elle est décrite d'ailleurs dans la deuxième partie, chapitre premier, article 5.1.A. du Réglement d'Instruction et de Manoeuvre (R.I.M.).
Dans les catalogues, on parlait donc de lance de 20-7 ou d'ajutage de 7 (donnée essentielle pour dessiner la courbe débit-pression de cette lance). Or, comme le symbole normalisé pour désigné le diamètre est la lettre grecque phi (matérialisée par le caractère Ø), cette lance est codifiée comme étant la lettre Ø7 ou "phi-sept". De fil en aiguille (nous autres sapeurs-pompiers n'étant pas naturellement doués pour le grec !), ce "phi-sept" est devenu "pissette". CQFD.
L'explication n'est peut-être pas véridique, mais admettons qu'elle est séduisante.
Enfin, et pour rappel, ajoutons qu'une formule permet de calculer le débit d'une lance en fonction de son ajutage (ou ajutage équivalent) et de sa pression d'alimentation :
Qv=π/4.d².√(2g.P/ρ.g) 
où Qv est le débit volumique
       d est le diamètre de l'ajutage
       g est l'accélération de la pesanteur
       P la pression à la lance
       ρ la masse volumique de l'eau

En simplifiant (quand même !), on obtient :
Qv=0,666.d².√P
où Qv est en litres par minute
     P est en bars
     d est en millimètres


Donc, si d=7 (car "phi-sept", souvenez-vous !), si P=3,5 (cf. p. 1063 du R.I.M.), on trouve Qv=61 l/min (le R.I.M. prévoit 58 l/min !).