Dilemme classique : qui de la poule ou de l'oeuf est venu le premier ?
Dans notre profession, on peut trouver un exemple d'application de ce dilemme : doit-on adapter les rues à la taille de nos engins ou plutôt l'inverse ?
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Les SDIS doivent-ils se "contenter" des poids-lourds disponibles sur le marché ou les marques doivent-elles plutôt tenir compte des exigences des services d'incendie avant de concevoir leur gamme ?
Formuler d'une manière un peu différente - et plus polémique -, on peut aussi s'interroger sur les raisons qui poussent les services techniques à acheter des camions plus gros que ce que peuvent supporter les chaussées de nos communes ?
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Eh bien, bizarrement, la réponse se trouve dans la notion de durée d'amortissement, mais cela nous le verrons plus tard.
Avant tout, revenons à notre poule et à notre oeuf. Ou plutôt à notre concessionnaire poids-lourds, à notre camion et à notre route.
En fait, il existe une relative cohérence entre les règles applicables aux dimensions :
- des Fourgons Pompes-Tonnes (FPT) normalisés mis en service par les SDIS dans la norme NF S 61-515:2006 ;
- des châssis de FPT commercialisés "nus" par les grandes marques européennes (DAAF, Iveco, MAN, Mercedes, Renault Trucks, Scania, Volvo, etc.) dans l'article R. 312-10 du Code de la Route ;
- des voies utilisables par les engins de secours (appelées voies-engins) sur lesquels circulent ces fourgons pompes-tonnes dans l'article CO 2 du règlement de sécurité (arrêté du 25 juin 1980 modifié, pour cet article, par l'arrêté du 10 octobre 2005).
Le tableau ci-dessous compare les prescriptions de ces trois sources :
De ce tableau, on peut conclure que :
- Les châssis les plus larges du commerce peuvent être carrossés en fourgons pompes-tonnes ;
- Le plus haut FPT normalisé est 20 cm plus petit que les plus petits ponts ou tunnels d'une voie-engin ;
- Le lien entre la longueur maximale d'un FPT (7,80 m) et le rayon intérieur minimal des "virages" de voies engins (11 m minimum) n'est pas aussi aisé que cela à mesurer car il dépend du rayon de braquage de chaque engin qui est lui-même propre à chaque modèle. On peut toutefois prendre en complément les prescriptions de l'article 5.2.1.3 de la norme NF EN 1846-2:2009 qui impose pour les véhicules urbains de moins de 16 tonnes un diamètre de braquage entre murs inférieur ou égal à 17 m.
L'harmonisation entre les dimensions des camions standards, des engins d'incendie et des voies échelles, même si elle n'est pas parfaite, est donc bel et bien réelle.
Mais alors, pourquoi les FPT mis en circulation aujourd'hui ont-ils une masse en charge proche de 15 tonnes, voire pour certains, de 16 tonnes alors que la plupart des voies-engins supportent une masse maximale de 13 tonnes ou exceptionnellement de 14 tonnes ?
C'est un problème de durée d'amortissement. La durée d'amortissement, c'est la durée durant laquelle une collectivité conserve un bien acquis en investissement. Pour les FPT, cela varie d'un SDIS à l'autre, mais la durée d'amortissement est comprise globalement entre 15 ans (pour les plus chanceux) et 25 (pour les autres).
Or, comme les rues sont traçées, construites et aménagées pour des durées bien plus longues (ce qui n'est pas illogique, surtout si l'on considère certains centres-villes historiques qui datent du moyen-âge), la majeure partie des voies-engins sur lesquelles nos engins circulent datent d'une époque où l'on ne parlait pas encore de FPT mais plutôt de PS Hotchkiss ou Laffly (forcément plus légers). La réglementation relative aux voies-engins (passant récemment de 13 à 14 tonnes) évolue donc naturellement moins vite que les gammes commerciales de poids-lourds proposées par les constructeurs. Le délai de mise à niveau des chaussées existantes est quant à lui encore infiniment plus long.
De là naît notre dernier dilemme, faut-il acheter des poids-lourds du commerce ou essayer de réussir à tout prix à carrosser un FPT de moins de 13 tonnes ?